Albert Béville (Alias Paul Niger) : Un Hommage à un Écrivain et Homme Politique Engagé

Le 22 juin 1962, la Guadeloupe perdait une figure emblématique de son histoire, l'écrivain et homme politique Albert Béville, également connu sous le pseudonyme de Paul Niger. Sa disparition prématurée dans un tragique accident d'avion à Deshaies a marqué les Antilles-Guyane et l'Afrique. Retour sur la vie fascinante de cet intellectuel engagé encore méconnu de nos jours.

Né le 21 décembre 1915 à Basse-Terre, Guadeloupe, Albert Béville a dû surmonter la perte de ses parents dès son jeune âge. Malgré ce tragique événement, il réussit à se distinguer en obtenant son baccalauréat au Lycée Carnot de Pointe-à-Pitre. Déterminé, il s'envole ensuite vers la France pour poursuivre des études de droit, tout en se préparant au concours d'entrée de l'École Nationale de la France d'Outre-Mer (Enfom). En 1939, il est mobilisé et joue un rôle actif lors de la campagne de France en 1940, recevant la Croix de guerre pour ses faits d'armes.

Albert Béville découvre les écrits d'Aimé Césaire et renoue avec son ami d'enfance, le poète guadeloupéen Guy Tirolien, pendant ses années en France. Il se lie d'amitié avec le futur président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, qui stimule son intérêt pour l'Afrique. Engagé dans un milieu intellectuel panafricain en plein essor, Béville développe sa conscience anticolonialiste.

En 1944, il part pour l'Afrique occidentale française en tant qu'administrateur des colonies, un choix en apparente contradiction avec ses convictions anticoloniales. Cependant, Béville trouve un moyen de concilier ses principes en écrivant sous le pseudonyme de Paul Niger pour ne pas transgresser son devoir de réserve. En 1946, il participe à la création de la revue Présence africaine aux côtés d'intellectuels tels qu'Alioune Diop.

Membre du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), Albert Béville représente la Fédération du Mali en France en 1958 et 1959. Malgré sa position administrative, il continue d'écrire et de militer pour l'amélioration des conditions de vie des Africains. En 1961, il fonde le Front des Antilles-Guyane pour l'Autonomie avec des personnalités telles qu'Édouard Glissant et Marcel Manville. Cependant, le Front est dissous en 1961, entraînant une rétrogradation sévère pour Béville dans son administration.

Malgré les obstacles, Albert Béville continue d'écrire et de publier des textes engagés, dont un pamphlet intitulé "L'Assimilation, forme suprême du colonialisme" en avril 1962. Le 22 juin 1962, alors qu'il embarque pour la Guadeloupe avec le député guyanais Justin Catayée, le vol d'Air France s'écrase à Deshaies, faisant 113 morts. Les circonstances de l'accident demeurent floues, alimentant diverses spéculations.

La vie d'Albert Béville reste un témoignage de détermination et d'engagement en dépit des adversités. Chaque année, des commémorations soulignent son impact sur les Antilles-Guyane et l'Afrique, rappelant la nécessité de préserver la mémoire de cet intellectuel exceptionnel et de continuer à promouvoir les idéaux auxquels il croyait.