- par JMR
- Oct 21, 2023
Le 15 août 2024 a marqué le 110ème anniversaire de l'inauguration du canal de Panama, un chef-d'œuvre d'ingénierie maritime de 80 km de long, qui traverse l'isthme de Panama en Amérique centrale, reliant l’océan Pacifique et l’océan Atlantique.
Si ce projet colossal a révolutionné le commerce mondial, il reste également un témoignage poignant des milliers de vies sacrifiées, notamment celles de plus de 22 000 travailleurs antillais morts en construisant cette voie maritime.
C'est sous l'impulsion de Ferdinand de Lesseps, célèbre pour la construction du canal de Suez, que les premiers travaux du canal de Panama débutent en 1881. De Lesseps, déterminé à créer un canal à niveau, se heurte rapidement à des défis titanesques.
La topographie complexe de l'isthme de Panama, couplée à un climat tropical impitoyable, transforme le chantier en un véritable enfer. Les ouvriers, principalement recrutés dans les Antilles, sont confrontés à des épidémies dévastatrices de malaria et de fièvre jaune, qui déciment les rangs.
Les Antilles, notamment la Martinique, la Guadeloupe, la Jamaïque, la Barbade, Trinidad et Sainte-Lucie, deviennent des réservoirs de main-d'œuvre pour ce chantier gigantesque. Attirés par les promesses d'un Eldorado, des dizaines de milliers d'Antillais quittent leur île natale pour le Panama, avec l'espoir d'une vie meilleure. Cependant, dès leur arrivée, le rêve se mue en cauchemar.
La réalité sur place est bien différente des récits idylliques. Le Panama est un pays pauvre, ravagé par la maladie et gangrené par la discrimination.
L'administration américaine, qui reprend les travaux en 1904 après la faillite de la Compagnie Universelle du Canal Interocéanique, instaure une ségrégation brutale sur la "zone du canal".
Les ouvriers antillais et afro-américains, attirés par des annonces trompeuses, sont payés en pièces d'argent (Silver Roll), tandis que les ingénieurs et mécaniciens européens ou américains, eux, reçoivent leur salaire en pièces d'or (Gold Roll).
Cette discrimination ne se limite pas aux salaires : les Antillais sont logés dans des conditions précaires et sont soumis à une pénibilité de travail extrême, faisant de leur quotidien une lutte pour la survie.
Malgré ces conditions inhumaines, les travailleurs antillais ont joué un rôle indispensable dans la réalisation du canal. Leur contribution, souvent ignorée dans les récits historiques, est aujourd'hui symbolisée par le cimetière de Paraiso au Panama. Ce lieu de mémoire honore les quelque 20 000 travailleurs, en particulier ceux originaires de la Martinique et de la Guadeloupe, morts durant la première phase de construction du canal entre 1880 et 1889.
Le canal de Panama reste une prouesse technique, mais aussi un sombre rappel des sacrifices humains qui l'ont rendu possible.
En cette année 2024, en célébrant les 110 ans de son inauguration, il est crucial de se souvenir et de rendre hommage aux vies antillaises qui ont été tragiquement englouties dans ce projet.
Leur héritage de courage et de résilience continue de résonner à travers les générations, rappelant l'importance de ne jamais oublier les leçons du passé.