- par JMR
- Oct 21, 2023
Le 5 décembre 1984, une tragédie marqua l'histoire de la Nouvelle-Calédonie : dix militants indépendantistes Kanak furent tués dans une embuscade à Hienghène. Ce massacre, bien que reconnu par les sept auteurs, n'a jamais abouti à des condamnations, laissant une cicatrice profonde dans la mémoire collective.
Avant l'arrivée des Français en 1853, les Kanak, peuple d'origine mélanésienne, occupaient la Nouvelle-Calédonie. Rapidement, l'île devint une colonie pénitentiaire et une terre d'exploitation du nickel, avec de nombreuses tribus Kanak déplacées et leurs terres redistribuées. Un siècle plus tard, les inégalités entre Kanak et Caldoches, descendants de colons et bagnards européens, persistaient, exacerbant les tensions.
L'élection de François Mitterrand en 1981 suscita l'espoir d'une indépendance pour la Nouvelle-Calédonie. Cependant, ses tergiversations une fois au pouvoir envenimèrent le climat social. Des incidents violents se multiplièrent, et les indépendantistes appelèrent au boycott des élections territoriales de novembre 1984, exacerbant les tensions.
Après des semaines de tensions, le soir du 5 décembre 1984, 17 militants Kanak, revenant d'une réunion à Hienghène, tombèrent dans une embuscade à Wan'yaat. Les deux camionnettes dans lesquelles ils se trouvaient furent arrêtées par un tronc de cocotier. En un instant, un déluge de balles s'abattit sur eux. Le bilan fut tragique : dix morts, dont Louis et Vianney Tjibaou, frères du leader Jean-Marie Tjibaou.
Les victimes, âgées de 25 à 56 ans, étaient toutes issues de la tribu de Tiendanite, qui perdit ainsi la moitié de sa population masculine en une nuit. Les premiers secours eurent du mal à identifier les corps, certains ayant été abattus à bout portant.
Les auteurs du massacre, des fermiers métis de la vallée de Hienghène, se rendirent et avouèrent les faits. Pourtant, le premier procès à Nouméa se conclut par un non-lieu en 1986.
Finalement, en octobre 1987, les sept accusés furent acquittés pour légitime défense, sous les applaudissements d'une partie du public.
Jean-Marie Tjibaou réagit à ce verdict avec amertume : "Cela veut dire qu'on peut abattre les Kanak comme des chiens et qu’il n’y a pas de justice en Nouvelle-Calédonie". Six mois plus tard, la Nouvelle-Calédonie vivait les événements sanglants d'Ouvéa.
Aujourd'hui, le massacre de Hienghène reste gravé dans la mémoire des Kanak de Tiendanite. Chaque année, ils commémorent les événements en hommage à ceux qu’ils appellent "les papas". Un mémorial a été érigé au lieu-dit de Wan'yaat, avec les épaves des camionnettes et une stèle portant l'inscription : "Fils de Kanaky, souviens-toi".
Malgré trois référendums récents (2018, 2020, 2021) où le "non" à l'indépendance l'a emporté, le débat sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie continue. Les pourparlers entre le gouvernement français et les autorités calédoniennes se poursuivent, et le chemin vers la réconciliation reste long.
Le massacre de Hienghène est un chapitre sombre de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. En revisitant ces événements, nous honorons la mémoire des victimes et reconnaissons les défis persistants de la réconciliation et de la justice.